Le SNDP appelle à la révolution… des mentalités (ou comment couper la tête aux préjugés et autres idées reçues) !

Le 18 octobre 2021, le Président de la République ouvrait les Etats-Généraux de la Justice.
Sortis du chapeau dans des conditions pour le moins étonnantes en juin dernier, ces Etats
Généraux, à quelques mois de l’élection présidentielle, ne laissent guère planer de doute
sur leur utilité en cette fin de quinquénat…
Nous ne nous faisons que peu d’illusions sur la place qui sera laissée à l’administration
pénitentiaire dans ces débats, à l’heure où la surpopulation donne lieu à une commission
d’enquête parlementaire dédiée aux « dysfonctionnements de la politique pénitentiaire ».
Qu’à cela ne tienne, nous nous saisirons de ces Etats-généraux comme d’une tribune pour
porter haut et fort le message que nous soutiendrons également, dans les mois à venir,
auprès candidats à l’élection présidentielle.
« Dans tous les domaines, nous devons agir jusqu’au dernier quart d’heure. Le temps est le bon.
Cela ne veut pas dire que nous avons attendu jusqu’ici pour travailler et oeuvrer sur la justice. »a
déclaré le chef de l’Etat avant de rappeler les différentes mesures prises depuis le début de
son quinquennat : téléphones anti-rapprochement, l’augmentation des alternatives aux
incarcération, la construction de 15.000 places de prison… « Toutes les réformes ont été
accompagnées d’investissements inédits », car « la Justice est devenue une priorité », mettant en
avant une « augmentation de 30% de l’investissement en 5 ans ».
Pour le SNDP tout est résumé dans ces quelques mots… Les politiques pénales et
pénitentiaires (si tant est qu’il y en ait) de ces dernières années se résument ainsi : une
succession frénétique de réformes, au gré des drames de l’actualité, sans véritable
préparation, avec un calendrier pour le moins contraint qui ne pose pas la question des
moyens, notamment humains, et dont on fait le bilan sur un coin de table, une réforme en
chassant une autre.
Nous demandons donc à nos gouvernants d’agir moins, mais d’agir mieux ! De prendre
le temps de fixer des priorités, de faire un état des lieux objectif et fiable des situations, de
mettre en place des groupes de travail pluridisciplinaires sans que les conclusions ne
soient écrites avant d’avoir démarré ou que le calendrier n’ambitionne de faire résoudre à
qui que ce soit en 2 mois une problématique gangrénant la Justice depuis des années, voire
des décennies… !
Nous voulons des réformes qui soient pilotées dans tous les services, y compris dans les
tribunaux, pour que tous les acteurs de la chaîne pénale aient l’occasion de se saisir des
ressources mises à leur disposition, que chacun soit formé et que l’encadrement puisse
mettre en oeuvre des habitudes de travail qui reposent sur le sens qu’elles revêtent et qui
puissent s’inscrire dans le temps.
Pour le SNDP, les deux volets de ces états généraux devront interroger concrètement et
délivrer de réelles orientations d’évolution sur :
Le sens et l’efficacité de la peine
Il est nécessaire de porter à la connaissance des citoyens des données objectives et
scientifiques sur l’efficacité de la peine (taux de récidive milieu ouvert et fermé, comparatif
coûts/efficacité, etc …). Cet état des lieux objectif amènera à conclure à l’inefficacité du
discours et des mesures du « tout carcéral » et permettra à chacun de constater de manière
objective qu’il ne fait qu’aggraver la surpopulation pénale et empêche de s’attaquer aux
défis de la réinsertion. Il convient de convaincre nos concitoyens que la surpopulation est
un mal endémique portant gravement atteinte à l’efficacité de la prise en charge et non une
question de confort des personnes détenues !
En ce sens, nous demandons la réforme en profondeur des comparutions immédiates qui
ne font qu’entretenir ce cercle vicieux du « tout carcéral ». Le temps de la justice ne doit
pas être celui des faits pour évaluer sereinement les situations et contextes.
De même une réflexion approfondie sur les courtes peines, quelle qu’en soit la forme, doit
être menée afin qu’elles ne soient plus contre-productives et soient associées à une prise en
charge spécifiquement adaptée et intensive.
La sortie des débats idéologiques stériles est une priorité absolue. Pour cela, il est
nécessaire de diffuser et d’expliquer aux citoyens les méthodes et conditions d’intervention
des professionnels. Cela nécessitera la mise en lumière du travail totalement méconnu des
services pénitentiaires d’insertion et de probation. L’appui sur l’expérience d’autres pays
avec une culture de la probation ancrée est essentiel, même s’il ne s’agit pas de copier
naïvement un autre modèle.
En parallèle, cette efficacité passe également par une valorisation des métiers l’exerçant, et
notamment par des statuts dignes des responsabilités exercées, afin de soutenir le sens de
ce travail auprès des personnes détenues/probationnaires.
La prise en charge des personnes sous main de justice
Certains pans de la prise en charge doivent être refondus.
La non récidive est le fruit d’un travail sur elle-même de la personne condamnée,
accompagnée par les différents professionnels de l’administration pénitentiaire
(personnels de surveillance, CPIP, psychologues, assistants de service social notamment),
fondé sur des méthodes structurées d’intervention et des outils (mais également par les
moyens matériels alloués à ces derniers). A titre d’exemple, en détention, l’accès à
l’informatique est une nécessité pour la réinsertion (démarches administratives, école,
études, accès à l’emploi,…). Or l’administration connait un retard certain sur cette
thématique, ce qui nuit à la population prise en charge. La fracture numérique est un réel
facteur de récidive.
De plus, l’accès au travail pénal et la formation professionnelle des personnes détenues
doivent répondre aux mêmes exigences de notre temps et constituer de véritables prises
en charge permettant aux personnes détenues d’acquérir les mêmes compétences et
connaissances qu’elles pourraient acquérir en milieu libre. Le régime de ces activité doit
être repensé tout en s’adaptant clairement au régime de la détention. Si nous saluons le
travail accompli et encore en cours sur le travail pénal, restons persuadés qu’une fois
encore, la question des moyens humains n’a pas été prise en compte à sa juste valeur, une
telle réforme nécessitant pour prendre toute son ampleur un travail d’envergure au sein
des établissements et le développement de nouvelles compétences particulièrement
techniques. L’accès à une formation doit quant à lui être ouvert un nombre bien plus
conséquent de personnes détenues, y compris en situation de courtes peines. Les entrées et
sortie en formations doivent devenir plus souples, tout en permettant la validation de
blocs pour ceux qui ne pourraient bénéficier de l’intégralité, afin de prendre en compte,
notamment en maison d’arrêt, la durée parfois imprévisible de la présence à
l’établissement. De la reconnaissance de la qualité de ces prises en charge dépend leur
efficacité et l’insertion de nos publics. Le passage en détention doit être un temps utile
pour engager un travail pérenne et efficace avec la personne condamnée.
Dans un tout autre registre, nous considérons qu’il est grand temps de définir et mettre en
place une véritable prise en charge des publics atteints de troubles psychiatriques, en
collaboration étroite avec les services de soins.
L’enjeu de ces états généraux semble être l’efficacité du service public de la justice.
La question est donc posée une nouvelle fois : quand une démarche rationnelle, réfléchie
et construite autour du public et des professionnels concernés aura-t-elle lieu ?
P/ le Syndicat National des Directeurs Pénitentiaires-CFDT
Le secrétariat national