En juin 2025, une délégation du SNDP-Cfdt composée de Jean-François FOGLIARINO, Virginie NOUAILLE et Laure JOLIVET était reçue par l’Inspection Générale de la Justice (IGJ) afin de présenter ses observations dans le cadre des Etats-Généraux de l’Insertion et de la Probation (EGIP), sur la base d’un questionnaire préalablement transmis.
25 ans après leur création, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont déjà parcouru un long chemin. Ce service relativement jeune à l’échelle de la Justice ou même de l’administration pénitentiaire a connu une évolution rapide et des réformes successives qui lui ont permis de gagner en maturité. La phase ouverte depuis 2013 avec la conférence de consensus et qui s’est conclue par la publication du RPO 1 en 2017, a permis de doter les SPIP d’une véritable doctrine d’intervention consolidée. Axées autour de la question des missions du CPIP ou du suivi individuel, les réflexions menées tendent depuis à s’élargir. Il nous semble en effet déterminant de construire aujourd’hui une véritable stratégie de déclinaison de cette doctrine qui s’appuie non pas sur le seul corps des CPIP mais bien sur la notion de service, pris dans sa globalité. Au cours des dernières années, les SPIP se sont étoffés, ont accueilli différentes catégories de personnels, ont développé leur travail partenarial, en particulier au bénéfice de certains axes de prévention de la récidive définis comme prioritaires (terrorisme, VIF, etc.). Les DPIP sont devenus progressivement les véritables chefs d’orchestre au sein de ces services, exerçant des missions qui se sont développées, structurées et complexifiées. Nous attendons des EGIP qu’ils consacrent cette évolution, qu’ils permettent de structurer ce qui s’est parfois construit de manière empirique, d’en corriger les lacunes et d’en soutenir les atouts.
Sur les évolutions attendues en matière d’insertion, nous avons insisté sur notre souhait de pouvoir renforcer nos possibilités de mobilisation du réseau partenarial. La question toujours en suspens du recours au strict droit commun ou de la création de partenariats spécifiques et renforcés reste prégnante. Nous considérons que le seul droit commun, aujourd’hui lui-même très carencé, ne saurait répondre aux besoins d’un public présentant les besoins qu’on lui connait. Le développement des plateaux techniques expérimentés à plusieurs endroit doit être évaluée et le cas échéant généralisée.
Nous avons également mis en avant la nécessité de travailler à la définition, au niveau national d’une véritable stratégie de déploiement des actions de prise en charge, qui s’appuieraient sur la recherche et seraient systématiquement évaluées.
Sur la question du renforcement des moyens de contrôle soulevée par la mission, nous avons avancé que celui-ci devait être conçu de manière équilibrée et stratégique. Il nous semble intéressant de développer une véritable pratique de police administrative au sein de SPIP, sous réserve qu’elle soit ciblée et mesurée. Elle pourrait se décliner selon les axes suivants :
- Des compétences en termes de contrôles, qu’il s’agisse de mesure de faisabilité, de contrôle des justificatifs, de vérifications auprès des structures partenaires, de gestion des alarmes et modifications d’horaires, etc. ;
- La mise en œuvre de mandat d’amener aux fins d’assurer la présentation des probationnaires aux rendez-vous fixés dans le cadre du suivi ;
- La mise en place de nouvelles compétences en matière de sécurité, comme l’analyse de réseau criminologique (tel que des applicatifs comme ANACRIM le permettent).
Le développement d’officiers de probation pourrait ainsi trouver une place au sein des SPIP, en devenant une véritable fonction support, dotés d’une expertise technique, qui serait mise à la disposition des autres acteurs du service pour alimenter leur travail de prise en charge. En tout état de cause, il nous semble important de ne pas scinder le travail de contrôle du travail de suivi, la mesure de probation reposant sur l’équilibre entre respect du cadre et accompagnement.
Afin de trouver le point d’équilibre entre insertion et contrôle, il reste déterminant d’admettre que la réponse pénale n’est pas toujours la réponse adaptée (soit que la récidive intervienne dans le cadre d’un processus de désistance engagé, comme le fait valoir la doctrine, soit parce que les besoins criminogènes identifiés se trouvent ailleurs, dans le soin notamment).
La question de la présence du SPIP au cours de la phase pré-sententielle également investiguée par la mission a quant à elle tout son sens si l’on cherche à travailler sur l’efficacité de la peine. L’expertise du SPIP pourrait utilement venir irriguer la réalisation des enquêtes sociales rapides ou des mesures de suivi judiciaires. La place de l’associatif doit être repensée et il convient de déterminer les points sur lesquels le SPIP doit venir reprendre une place et ceux sur lesquels il doit peut-être seulement assurer un rôle d’encadrement et de contrôle de ce qui est réalisé par le milieu associatif. La présence du SPIP lors de cette phase emporte néanmoins des enjeux RH importants auxquels il faudra répondre, tant en abondant les effectifs qu’en définissant un cadre clair dans lequel le SPIP reste le seul maitre à bord. Enfin, si l’on souhaite que la présence du SPIP sur la phase pré-sententielle produise tous ses effets, la question de l’organisation de la juridiction doit elle aussi repensée (organisation de l’audiencement, modalités et délais de transmission des pièces, etc…).
S’agissant de la création d’une peine de probation, nous avons souhaité rappeler la nécessité de son caractère autonome si elle devait voir le jour. Une telle peine ne doit pas être adossée d’une quelconque façon à l’emprisonnement. En outre, elle ne doit pas venir apporter une réponse unique et plaquée ni remplacer d’autres peines existantes, au risque que la simplification excessive aboutisse à une diminution de l’individualisation de la peine, objectif fondamental fixé par la doctrine.
L’ensemble des mesures évoqué suppose évidemment une réflexion sur les moyens dont dispose les services, la surpopulation carcérale n’étant somme toute qu’une partie de la surpopulation pénale. Rappelons en effet que l’extension du filet pénal survenue ces dernières années a impliqué non seulement une augmentation de la population carcérale, mais également en parallèle une augmentation du nombre de personnes suivies en milieu ouvert, venant ainsi mettre fin à toute notion de vase communiquant entre milieu fermé et milieu ouvert. Au-delà de la question évidente des moyens RH et des moyens financiers, il apparait qu’un des axes majeurs si l’on évoque l’efficience des différents dispositifs, réside dans le déploiement d’outils informatiques entre juridictions et administration pénitentiaire. Au-delà des enjeux évidents autour du déploiement de PRISME, le développement d’un dossier numérique partagé qui comprendrait a minima l’ensemble des pièces judiciaires constituerait une avancée déterminante et nécessaire au bond qualitatif espéré.
Enfin, le SNDP considère que ce mouvement de professionnalisation doit se concrétiser à travers une réforme ambitieuse du corps des DPIP. Si le passage en catégorie A des CPIP il y a quelques années est venu marquer la professionnalisation du dispositif de probation, c’est bien le déploiement de ce dispositif et les enjeux en termes d’efficience de la peine dont il est question aujourd’hui. Ne pas avoir reconnu à l’époque à sa juste valeur l’évolution, certes alors encore inachevée, des fonctions du corps de direction en SPIP, a constitué selon nous un handicap dans la crédibilisation des services. Il nous semble plus que jamais temps de reconnaitre les DPIP comme les chefs d’orchestre d’un véritable politique de sécurité publique, dans toute sa complexité. A ce titre, nous souhaitons qu’une des conclusions des EGIP puisse être l’ouverture de nouvelles négociations statutaires visant à faire entrer les DPIP dans le club « select » des corps d’encadrement supérieur.


