Dépêche AFP sur les fouilles en prison: abrogées, pratiquées, contestées

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Fouilles à nu en prison: abrogées, pratiquées, contestées
Par Sophie MAKRIS

PARIS, 25 mai 2013 (AFP) 

Un détenu en grève de la faim durant des semaines contre les fouilles à nu systématiques à la sortie de ses parloirs. Des surveillants en révolte contre l’arrêt de cette pratique. Rarement la tension autour du régime automatique de fouilles « intégrales » en prison, théoriquement interdit par la loi, n’a été aussi forte. Le 13 mars, Nezif Eski, 34 ans, incarcéré à Fresnes depuis début janvier, a décidé de refuser « pacifiquement » la pratique des fouilles à nu qu’il subissait à la sortie des parloirs, comme les centaines d’autres pensionnaires de l’établissement pénitentiaire. « Le caractères systématique ou aléatoire de ces fouilles a été rendu illégal par la loi  pénitentiaire de novembre 2009, rappelle son avocate, Virginie Bianchi. Les fouilles à nu doivent être légitimées par le comportement ou la personnalité de chaque détenu ». Nezif Eski, condamné à quatre ans de prison dont un avec sursis pour soutien matériel à une organisation d’extrême-gauche turque inscrite sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne, a payé le prix de son refus: quartier disciplinaire, commissions de discipline, grève de la faim jusqu’à son transfèrement dans un autre établissement, à Fleury-Mérogis.

Il a aussi obtenu une victoire: la suspension, le 4 mai, par le tribunal administratif de Melun, de la note produite par la direction de Fresnes pour maintenir l’application d’un régime de fouilles corporelles intégrales en sortie de parloir. C’est la troisième fois depuis juillet 2012 que la justice condamne l’établissement pour cette pratique qu’elle qualifie de « traitements dégradants ». « On a donc une administration qui ne respecte par la loi ! », s’indigne  Virginie Bianchi. Et Fresnes est loin d’être un cas isolé: l’Observatoire international des prisons (OIP) a depuis fin 2011 obtenu des juges la condamnation d’une douzaine d’établissements en France, de Rennes à Oermingen (Bas-Rhin) en passant par Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Jeudi, l’OIP a franchi un pas supplémentaire et saisi le Défenseur des droits Dominique Baudis « des manquements à la déontologie » dont fait preuve la direction de Fresnes en ignorant les condamnations de la justice, a annoncé l’organisation à l’AFP.

« Bonnes intentions »

L’évasion de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord) de Redoine Faïd, le 13 avril à l’aide d’une arme et d’explosifs, a rendu la question de la sécurisation des prisons épidermique. Début mai, des surveillants de Sequedin ont bloqué à deux reprises la maison d’arrêt pour demander le rétablissement des fouilles systématiques dans la loi. Mercredi, une centaine de surveillants ont manifesté devant la prison de Fresnes pour le même motif. « Les fouilles, c’est une tâche ingrate mais nécessaire », a plaidé Vincent Le Dimeet, délégué du syndicat FO-Pénitentiaire. « On n’arrête pas de sécuriser les prisons depuis vingt ans et les agressions augmentent », réplique Samuel Gautier, de l’OIP, qui en appelle à l’intervention de la garde des Sceaux sur le respect des pratiques de fouille.

Certains directeurs de prison avouent leur désarroi: « Le législateur partait avec une bonne intention, mais une insuffisante connaissance du terrain. Il est difficile de faire autrement dans certains lieux, comme les greffes, les parloirs », estime Antoine Danel, du syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP). Les fouilles, fait-il valoir, visent aussi à protéger les détenus « plus faibles » des pressions afin qu’ils fassent entrer illégalement du matériel. Ce syndicat des directeurs ne croit pas à la perspective de scanners corporels dans les prisons: trop chers (150.000 euros l’unité), trop techniques pour ce milieu contraignant. Un seul est actuellement à l’essai à la maison centrale de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Le SNDP souhaite des établissements moins grands et plus spécialisés en fonction des profils de détenus.

« La qualité de la vie en prison, les possibilités de s’y exprimer, d’y vivre dans de bonnes conditions participent aussi à la sécurité des établissements », ajoute Samuel Gautier. Les prisons françaises ont battu début mai un nouveau record de 67.839 personnes détenues.

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