L’Administration Pénitentiaire, acteur et lieu de Justice – 24 mai 2024

Le SNDP – CFDT vous informe sur l’actualité du secteur pénitentiaire

Réponse au communiqué des syndicats de la magistrature

Dans son discours du 22 mai 2024 en hommage à nos collègues morts en service le premier ministre
rappelait le rôle des agents pénitentiaires en tant que femmes et hommes de Justice.

C’est en tant que composante essentielle de la chaîne pénale, membres à part entière de la Justice,
que nous, directeurs pénitentiaires du syndicat national des directeurs pénitentiaires, souhaitons
aujourd’hui réaffirmer que les prisons et les services pénitentiaires d’insertion et de probation que
nous dirigeons ou dans lesquels nous exerçons sont des lieux de Justice.

Le nier est une maladresse, si ce n’est une offense faite à ce que nous représentons.

Face au drame qui s’est produit il y a quelques jours, vous êtes nombreux, notamment dans le monde
judiciaire, à nous avoir témoigné des marques de solidarité. La « famille justice » profondément et
tragiquement unie, pourrait se voir arbitrairement scindée en deux par ceux qui décident de ce que
seraient les « lieux de justice », excluant nos établissements et SPIP et, incidemment, tous les
personnels pénitentiaires des professionnels exerçant dans de tels lieux.

Nous voulons dire notre incompréhension face aux propos ainsi tenus la veille d’un hommage
national marquée, à l’inverse, par une solidarité de l’ensemble des professionnels de justice.
Pour notre syndicat, il ne s’agit pas ici seulement d’une figure de style pour alerter sur les conditions
d’exercice des missions et fonctions des magistrats mais la marque d’une réelle méconnaissance de
celles des personnels pénitentiaires.

Concernant tout particulièrement le débat sur les extractions judicaires, comment comprendre
autrement le rejet de principe du développement des visioconférence alors que parfois, nos agents
réalisent des kilomètres et des heures de déplacements pour des actes judiciaires de pure procédure
ou des présentations de quelques minutes, quand la personne détenue elle-même refuse de se déplacer ?
Comment ne pas souligner les difficultés d’organisation de certaines juridictions, leurs difficultés en
ressources humaines entrainant tensions et retards dans des bureaux d’audience ou des geôles de
tribunaux judicaires qui ne sont pas toujours sécurisés comme ils devraient l’être ?

De la même manière, d’un revers de manche, est balayée la possibilité que les magistrats puissent se
déplacer en établissement pénitentiaire, oubliant ou feignant d’oublier que les juges d’application de
peine, sont amenés à exercer la justice dans nos locaux.

Nous constatons que depuis plusieurs jours, nombreux sont ceux qui, dans l’épreuve, s’autorisent à
parler pour nous, quitte à couvrir notre voix, quitte à déformer notre réalité : policiers, magistrats,
journalistes, hommes politiques… Nombre de ceux-là n’était cependant au rendez-vous, ces derniers
mois, quand nous invoquions, avec une lourde insistance, la course folle de la surpopulation et la
dégradation vertigineuse de nos conditions de travail.

Aujourd’hui, nous n’avons nul besoin que l’on continue à parler à notre place de la capacité de
résilience des agents pénitentiaires, de leur courage face aux difficultés quotidiennes ni, enfin, de leur
réserve qui les retient souvent de répondre aux divers commentateurs et prescripteurs.

Le métier que nous exerçons aujourd’hui, dans une adversité croissante, n’est pas forcément celui
que nous avions anticipé ni souhaité, pour autant, nos préoccupations principales, en tant que
directeurs pénitentiaires, demeurent l’efficacité de la Justice et la préservation de la dignité et des
droits de tous ceux qui se trouvent derrière les murs, quel que soit le côté des barreaux où ils se
trouvent.

Le SNDP renouvelle ici, une fois encore, son souhait de voir créer un secrétariat d’Etat à la condition
pénitentiaire. Les débats actuels sur les extractions, qui ne sont pourtant à ce stade que réflexions,
viennent rappeler cruellement la nécessité de pouvoir ainsi non pas de placer nos réalités au centre,
mais simplement au sein de ce ministère qui est le nôtre.

Devons-nous rappeler que l’ensemble des agents qui, au sein de nos services, œuvrent au transport
des détenus, ne sont pas placés au service de l’institution judiciaire bien qu’ils contribuent, comme
nous tous, à sa bonne marche ?

Devons-nous redire que les problématiques qui se posent aujourd’hui aux PREJ sont en effet encore
celles des ELSP, parfois des ERIS ou du Service National des Transferts, la présence d’agents
pénitentiaires sur la voie publique concernant également les transferts administratifs, extractions
médicales, permissions de sortir accompagnées, sous escorte, ou encore les translations judiciaires…

Les moyens humains, indéniablement trop faibles, consacrés à ces missions ne viennent pas
uniquement désorganiser le fonctionnement de l’institution judiciaire mais aussi et surtout, dégarnir
le nombre d’agents présents en détention et dégrader encore nos capacités de prise en charge et notre
sécurité quotidienne.

Nous ne nourrissons pas d’espoirs trop grands sur les évolutions qui pourront résulter de ce drame
mais nous, personnels pénitentiaires, ne saurions tolérer que d’autres s’assoient à notre place à la table
des débats. Car cette table doit être large afin d’entendre les besoins, les contraintes, et même les
inquiétudes de chacun. Pour le Sndp-Cfdt, les réflexes corporatistes, le rejet brutal et par principe du
changement, doivent en revanche rester au vestiaire.

Ce souhait de participer aux échanges, dont nous percevons toute la légitimité, doit selon nous se faire
aux bénéfices de tous dans un souci d’égalité, de cohérence et de construction positive de doctrines
d’emploi n’opposant pas les différents acteurs de la justice.

Nous sommes les premiers à ne pas vouloir de réformes à la petite semaine, gribouillées sur un coin
de table pour acheter une paix sociale qui ne durera que le temps du recueillement.

Nos agents et tous les personnels pénitentiaires doivent être respectés à la hauteur de leur dévouement.
Nous appelons donc à la mise en place d’un travail de qualité sur les sujets posés sur la table, dans le
respect et la considération mutuelles.

Telle est notre conception du travail partenarial et de la justice capable de s’interroger, d’évoluer et
de trouver collectivement, dans le respect de chacun, les leviers de son efficacité.

Pour le secrétariat national du SNDP-CFDT,
Jean-François FOGLIARINO, secrétaire généra

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