En cette rentrée de septembre, c’est très studieusement que nous avons rencontré le Directeur de l’administration pénitentiaire en intersyndicale. Alors que nous avions alerté en juin dernier sur nos inquiétudes face à une inexorable croissance de la surpopulation et aux carences RH et budgétaires, le DAP nous indiquait que la très légère baisse des effectifs nous avait sans doute permis de « passer l’été ». Et après ? Nous sommes venus dire combien l’avenir nous paraissait sombre et combien nous constations le poids démesuré qui pesait sur l’ensemble des directeurs pénitentiaires dans ces circonstances.
Nous avons fait part au DAP de nos inquiétudes face au sentiment grandissant chez nos collègues d’un manque de confiance à leur égard, notamment suite aux demandes d’explications distribuées cet été comme autant de parapluies. Un sentiment de mépris également, au sens de la citation de Marcel Aymé : l’impression que notre hiérarchie ne cherche pas à nous comprendre. A l’heure où les directeurs pénitentiaires paient un prix très élevé pour maintenir à flot des services embolisés, la mise en cause de certains d’entre nous, dans des circonstances qui ne nécessitaient pas ce type de réaction, a été perçue comme un abandon, voire comme une forme de défiance. Au-delà de ce sentiment, nous avons manifesté notre vive inquiétude face à la multiplication des collègues surmenés, physiquement ou psychologiquement, malades, à bout, du fait des conditions dans lesquelles ils exercent leurs fonctions.
Nous attendons de notre administration qu’elle ne balaie pas d’un revers de main ces inquiétudes, ni ne les minimise. Ce n’est pas parce que nous, directeurs pénitentiaires, sommes devenus fainéants ou individualistes que les postes à responsabilité ne trouvant pas candidat se multiplient, mais bien parce que le compte n’y est pas entre les responsabilités assumées et les contreparties positives. Sans qu’il soit même ici question de l’aspect financier, nous avons le sentiment d’avoir aussi perdu la considération de notre hiérarchie et le sens de nos missions.
Nous œuvrons au quotidien dans un contexte extrêmement dégradé et devons assumer la responsabilité des échecs de notre institution, y compris quand on ne nous a pas donné les moyens de sortir la tête de l’eau. Nous avons le sentiment d’aller à la guerre seuls et désarmés.
Nous sommes sur un grill médiatico-politique permanent et avons la sensation que ce phénomène, sans doute en partie inévitable, est entretenu, pour ne pas dire alimenté, par le garde des Sceaux. De ce point de vue, nous nous réjouissons de la nomination d’un porte-parole au cabinet du DAP. Encore faudra-t-il lui permettre de défendre nos intérêts et notre institution, de les faire comprendre à l’opinion et non en faire une corde de plus à l’arc d’un populisme fort à la mode. Nos attentes sont fortes en la matière.
Face aux défis auxquels l’administration pénitentiaire est aujourd’hui confrontée, nous attendons un cap clair et réfléchi, une vision à moyen et long termes. Nous ne voulons plus faire les frais des injonctions contradictoires permanentes que nous subissons depuis plusieurs mois (libérer d’une main pour mieux réincarcérer de l’autre notamment). Nous ne voulons plus travailler à des projets structurants essentiels pour notre administration sur un coin de table, sans possibilité de concertation, dans des délais ubuesques (création des QLCO, réformes des peines, etc.) sans que jamais les propositions faites par les services ou dans le cadre du dialogue social ne soient prises en compte.
En conséquence, nous demandons au garde des Sceaux et à notre directeur de soutenir, avec la confiance exigeante, mais bienveillante d’un chef, leurs équipes et la cheville ouvrière que sont les directeurs, sans laquelle rien ne tiendrait encore debout aujourd’hui.
Nous considérons que chacun doit reprendre sa place dans la pyramide :
- Nous souhaitons qu’un travail soit mené sur le management des chefs de service par les DISP afin de dégager les axes sur lesquels les chefs d’établissement et DFSPIP doivent bénéficier d’une véritable autonomie (pouvoir prononcer les sanctions disciplinaires les plus légères envers les agents, pouvoir monter des plans locaux de formation sous le contrôle de la DISP, mais sans nécessité d’un passage en CSA-I, etc.). Cela suppose évidemment que les attentes de l’échelon central permettent aux DISP de fonctionner sur ce tempo.
- En parallèle, nous attendons des consignes données qu’elles soient claires, sans équivoque, et applicables en l’état des moyens qui nous sont alloués.
- Nous souhaitons également que chacun à leur niveau, les échelons interrégional et central assurent un rôle de soutien auprès des structures en difficulté. A quoi bon envoyer les unes à la suite des autres des missions d’inspection quand aucune impulsion politique ne vient ensuite mettre en place les préconisations formulées ? A quoi bon multiplier les inspections en EPM quand toutes viennent pointer du doigt les mêmes difficultés structurelles sans que la DAP ne s’en saisissent ? A quoi bon multiplier les inspections sur un même établissement quand les préconisations du 1er rapport n’ont été ni prises en compte ni déclinées ?
S’agit-il d’une question de volonté politique ? S’agit-il d’un problème de priorisation des réformes à engager dans cette administration ?
Nous ne voulons pas de la révolution évoquée par le ministre, car la révolution, ce n’est jamais qu’un petit tour sur soi-même et il nous semble grand temps d’avancer.
Le secrétariat national du SNDP-Cfdt


