Surpopulation carcérale août 2020

Le SNDP – CFDT vous informe sur l’actualité du secteur pénitentiaire

Devoirs de vacances : la surpopulation n’attend pas !

Nous sommes aujourd’hui début août. Notre pays vient de traverser une crise sanitaire sans pareille,
dont nous n’appréhendons pas encore toutes les conséquences sur le long terme. Et pourtant, pour
les personnels pénitentiaires que nous sommes, une lueur d’espoir est apparue au milieu de ces
heures sombres : nous avons enfin touché du doigt la fin de la surpopulation carcérale !
En avril, nous saisissions le président de la République de cette situation pour lui demander, dans la
droite ligne de son discours des jours précédents, de nous permettre de nous réinventer en prenant
les dispositions nécessaires pour assurer la pérennisation de ce taux d’occupation dans les
établissements pénitentiaires.

En avril, nous saisissions le président de la République de cette situation pour lui demander, dans la
droite ligne de son discours des jours précédents, de nous permettre de nous réinventer en prenant
les dispositions nécessaires pour assurer la pérennisation de ce taux d’occupation dans les
établissements pénitentiaires.
Pour toute réponse, il nous a été indiqué lors de notre rencontre avec Mme BELLOUBET, début
juin, que la circulaire du 20 mai 2020 (ne l’avions nous pas lue?) allait répondre à toutes nos
attentes… Et déjà, notre bel optimisme se muait en doute…

Car déjà nous voyons, depuis la reprise de l’activité judiciaire, nos quartiers arrivants se remplir de
courtes peines d’emprisonnement, inférieures à un an et parfois à 6 mois, alors même que des
enquêtes sociales rapides ont été réalisées et ne semblent pas porter à notre connaissance de point
rédhibitoire à l’aménagement de la peine sous une forme ou sous une autre. Comment avons-nous
pu accueillir ces dernières semaines des personnes écrouées pour 3 mois que l’octroi des réductions
de peines exceptionnelles à hauteur de 2 mois, assorti au crédit de réductions de peines et aux
réductions de peines supplémentaires, rendait libérables avant même la fin de la quatorzaine ?
Devons-nous continuer avec ce flot de mandats de dépôt prononcés à l’issue de renvois dans le
cadre des comparutions immédiates, pour des situations qui entraîneront à leur tour le prononcé de
courtes peines, dont certaines ne donneront pas lieu à mandat de dépôt à la barre ?

Reforme pénale après réforme pénale, l’histoire se répète : quelles que soient les mesures prises,
leur possible efficacité, leur bien-fondé, qu’importe ! Elles sont balayées d’un revers de main par les
magistrats siégeant en correctionnelle qui, indépendants, « disant le droit », sont certes toujours
soucieux de prononcer une peine qui semble juste… mais selon des critères parfois dépassés et trop
peu remis en cause, trop déconnectés de la réalité des établissements pénitentiaires, en se jouant des
contraintes. Si l’objectif est louable, il marque l’éternelle frontière entre politique et judiciaire. A eux
l’application de la loi, au politique d’en fixer désormais plus fermement les grands principes : et de
les faire appliquer !

Car au fond, le défi, et c’est le propre de toute organisation, reste de trouver les moyens de
contournement qui vont pouvoir permettre d’appliquer chaque réforme en modifiant le moins
Syndicat National des Directeurs Pénitentiaires – CFDT
Mèl : sndp.contact@gmail.com Tél 06 40 20 30 34
www.sndp-directeurs-penitentiaires.org
possible sa pratique habituelle. Nos collègues magistrats ne font pas exception à la règle !
Comment dès lors mener une politique volontariste visant à faire disparaître la surpopulation
carcérale, et bien au-delà, à améliorer l’efficacité de la peine ?
Parce que le quotidien des cadres de l’administration pénitentiaire consiste à amener nos équipes à
faire évoluer, parfois drastiquement, leurs pratiques, nous pouvons attester d’une chose : nul n’y
parviendra en faisant l’économie de travailler sur la conduite du changement auprès de l’ensemble
des acteurs de la justice, en commençant par les magistrats qui siègent en correctionnelle.

Cette question doit cesser d’être un tabou, à moins que nous acceptions, comme c’est le cas depuis
des années, de nous faire confisquer toute possibilité de réforme pénale ! Il convient d’associer,
enfin, l’ensemble des acteurs de la justice, afin qu’ils travaillent activement à un objectif commun,
loin des automatismes dépourvus de sens qui sclérosent la justice depuis trop longtemps ! Plutôt que
nous diviser autour de corporatismes stériles, une cause doit nous réunir et nous mobiliser : la
poursuite de l’objectif d’efficacité de la justice pénale. Les travaux que nous avons d’ores et déjà pu
mener avec certains de nos collègues magistrats de l’AFMI, ou encore de l’ANJAP, particulièrement
actifs sur ces questions, sont la preuve des nécessaires synergies à construire.
Le SNDP refuse de rester les bras croisés à regarder notre taux d’occupation augmenter chaque jour
un peu plus. Nous voulons croire que la nomination du nouveau Garde des Sceaux nous offre une
opportunité supplémentaire de faire enfin bouger les lignes, de saisir cette occasion unique qui
s’offre à nous de mener à bien cette cause à laquelle nous savons notre nouveau Ministre sensible :
la fin de la surpopulation carcérale et l’application – enfin ! – de la loi relative à l’encellulement
individuel.

Aussi, nous demandons la mise en œuvre de mesures concrètes et ayant force obligatoire, et non des
vœux pieux adressés aux tribunaux, dont l’administration pénitentiaire devrait encore assurer le
service après-vente tout en assumant la responsabilité des échecs :

Nous demandons l’établissement d’un numerus clausus, et l’institutionnalisation, au
niveau de chaque cour d’appel, de cellules de veille relatives au taux d’occupation des
maisons d’arrêt du ressort. Celles-ci seraient composées de la direction des établissements et
SPIP concernés, des magistrats du siège, de l’application des peines et du Parquet. Elles
auraient pour but d’ajuster la politique d’application des peines en utilisant l’arsenal juridique
existant dès lors que le taux d’occupation atteindrait sa limite ou un peu en amont, mais aussi
de veiller à la régulation des entrées en analysant de manière fine les pratiques des juridictions
en matière de prononcé de peine d’emprisonnement ;

Nous devons disposer d’outils statistiques fiables nous permettant de connaître en tempsréel le nombre de places véritablement disponibles au sein d’un établissement pénitentiaire, le
nombre de procédures en attente, le nombre d’aménagements de peine prononcés à la barre,
dans le cadre de 723-15 ou en établissement et le nombre de courtes peines finalement mises à
exécution. Ces données chiffrées doivent en outre impérativement être accompagnées
d’éléments d’analyse permettant aux services d’apporter des solutions aux freins constatés,
afin que ceux-ci puissent localement, construire des solutions et dégager des marges de
manœuvre efficaces. Il nous faudra comprendre les causes répétées des rejets ou des échecs
d’aménagement de la peine ou de prononcé d’une peine alternative, afin de pouvoir construire
les dispositifs les mieux adaptés à nos publics ;

Nous demandons que l’article 10 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui fixe
les modalités de contrôle des établissements pénitentiaires par certaines catégories de
magistrats, soit élargi, comme le proposait déjà le rapport sur les conditions de détention
dans les établissements pénitentiaires établi par le Sénat le 29 juin 2000, afin que les
magistrats du siège y soient également associés et que le nécessaire aspect de contrôle se voit
complété par l’acquisition d’une connaissance fine et actualisée des problématiques
pénitentiaires et des modalités effectives de l’exécution de la peine dans les établissements du
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ressort ;

Nous réclamons une véritable réflexion sur les courtes peines d’emprisonnement.
L’interdiction de l’emprisonnement pour les peines inférieures à un mois n’a été qu’une
mesure anecdotique. Le reliquat concerné doit être porté à 6 mois et une véritable
réflexion doit être engagée sur une prise en charge adaptée et intensive des courts
séjours en prison qui demeureront.
En effet, le jeu des révocations, des échecs de 723-15,
etc. ramènera toujours à la case prison les personnes pour lesquelles toute autre tentative aura
échoué. Il s’agit d’un public particulièrement ancré dans la récidive et dont les incarcérations
successives, vides de sens à ce jour, restent stériles. Il s’agit d’un public peu autonome pour
lequel les prises en charge dans le cadre des aménagements de peine classiques restent
largement inadaptées sans un accompagnement renforcé. Parce que la peine
d’emprisonnement reste à ce jour la référence en cas d’échec des autres modes de prise en
charge, nous devons nous donner les moyens de prendre en charge ce type de public de
manière adaptée, sans doute intensive, dans des établissements ou dans des quartiers
spécifiques ;

Nous voulons enfin que les questions pénitentiaires deviennent une réelle priorité et que la
parole des directeurs pénitentiaires, qu’ils soient DSP ou DPIP, puisse contribuer à la
définition d’une véritable politique pénitentiaire. La politique pénitentiaire ne peut plus être le
seul fruit d’une politique pénale. En outre, la pérennisation d’une déflation carcérale est
largement conditionnée par les évolutions de la probation dans notre pays. Celle-ci doit être
portée au-devant du débat public et non plus être fabriquée dans l’alcôve des bureaux de la
DAP. Il convient de développer encore très largement nos outils, nos méthodes et nos moyens,
afin que les peines alternatives à l’incarcération constituent demain, aux yeux de tous, une
réponse pénale crédible sans recours à l’emprisonnement. Aussi demandons-nous la création
d’un secrétariat d’État aux questions pénitentiaires, q
ui aurait pour but de prioriser ces
thématiques jusqu’à la fin du quinquennat. La nomination d’un personnel pénitentiaire comme
DAP dans l’avenir pourrait également constituer un signal fort de ce recentrage sur le cœur de
nos problématiques quotidiennes, afin notamment que la prise en charge des publics,
aujourd’hui reléguée au second rang, loin derrière la gestion de flux, dans de trop nombreux
services, redevienne un axe central de nos missions !

Nous espérons que notre nouveau ministre ne restera pas sourd à notre cri d’espoir et lui
présenterons nos propositions en détail à l’occasion de la rencontre que nous avons sollicitée et qui
devrait intervenir à la rentrée.

Si de grands avocats deviennent de grands Gardes des Sceaux, c’est qu’ils trouvent une cause à la
mesure de leur talent. L’occasion est trop belle…

Le secrétariat national du SNDP-CFDT.

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