Entretien avec le Cabinet du garde des Sceaux

Le SNDP – CFDT vous informe sur l’actualité du secteur pénitentiaire

Une délégation du Syndicat National des Directeurs Pénitentiaires – CFDT s’est entretenue vendredi 30 juin 2023 avec le directeur de Cabinet du garde des Sceaux et son conseiller pénitentiaire.

Soutien des directeurs pénitentiaires

Tout d’abord le directeur et le conseiller ont tenu à nous assurer de leur total soutien, voire leur admiration, aux personnels de direction de notre administration dans la gestion structurelle de détentions et SPIP surpeuplés et dans la crise conjoncturelle des émeutes urbaines qui menacent établissements et domaines pénitentiaires.

Les statuts :  « arbitrage toujours en cours »…

Nous avons ensuite abordé les questions statutaires. Bien que nous assurant maintenir une pression constante sur les ministères de la Fonction publique et du Budget pour défendre et promouvoir nos professions, le message que nous retenons est : attendez, encore et toujours. Une réunion interministérielle est prévue le 05 juillet pour le statut des DPIP et celui des nouveaux emplois (fonctionnels) de direction du ministère de la Justice, sur lesquels nous n’avons pu avoir aucune précision.

Pour nous ces évolutions correspondent à la reconnaissance de nos charges de travail et de nos responsabilités. S’agissant des SPIP, elles doivent être en lien avec des réalités de terrain, aussi avons-nous une nouvelle fois demandé la mise à jour (il suffit d’un arrêté) de l’article A 44 du code de procédure pénale sur la répartition et la classification des SPIP (certains ayant augmenté notoirement de dimension depuis la précédente rédaction).

La réponse du Cabinet est qu’il ne peut répondre. En effet « les arbitrages sont en cours » (phrase la plus usitée en ces hauts-lieux), ce qui peut prendre quelque temps car «la priorité est le statutaire ».

Les 3 préoccupation du ministre de la justice: à  quand la régulation carcérale ?

Les trois préoccupations majeures du ministre de la Justice, en matière pénitentiaire, étant « le travail en détention, le travail d’intérêt général et la surpopulation carcérale », nous avons abordé ce dernier point. En réplique allusive à notre dernier communiqué (Politique pénitentiaire : à quand le courage des ambitions ? 17 juin 2023) le Cabinet a tenu à souligner le courage du ministre, notamment par les créations de postes mais aussi par le mécanisme de régulation carcérale que constitueraient selon lui les dispositions de la loi 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire incitant aux placements des prévenus sous le régime de l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) et surtout la libération sous contrainte de plein droit (LSC-D). Or les ARSE sont certes en augmentation mais sans effet significatif sur le nombre de prévenus hébergés, et les LSC ont surtout pour effet délétère de ruiner le sens de la peine et d’ajouter complexité et absurdité dans les commissions d’application des peines. Toute juste prononcée, la peine d’emprisonnement est « vite » terminée, le travail des surveillants se limitant à un gardiennage sans recul d’observation, et celui des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation à recueillir des justificatifs de domicile. Une fois prononcées, ces LSC de courte durée saturent les pôles de surveillance électronique et ne sont pas forcément– tant leur origine contredit l’individualisation des peines – la priorité première des SPIP de milieu ouvert plus concentrés sur les véritables aménagements de peine, les suivis socio-judiciaires et le pré-sentenciel, les personnes radicalisées et les auteurs de violences intrafamiliales (ce qui représente déjà une charge de travail considérable).

Le SNDP a donc demandé l’appréciation du ministre sur un tout autre modèle de régulation carcérale qui parviendra en débat sous forme d’un amendement au projet de loi de programmation de la justice, et qui reprend nos revendications de longue date : un numerus clausus de facto, par la réunion de jure des acteurs du système pénal autour de chaque maison d’arrêt pour déterminer finement, en logique d’individualisation, les détenus à libérer en premier en cas d’entrée surnuméraire. C’est à sa position sur ce mécanisme, qui impose un véritable changement culturel notamment pour les magistrats, que nous évaluerons le courage du ministre.

Nos interlocuteurs ont également cité comme alternatives utiles aux incarcérations les dispositions de la loi « Confiance » les TIG lorsqu’ils pourront devenir des peines converties une fois la LOPJ promulguée. Son examen commence le 04 juillet en séance plénière à l’Assemblée nationale, et son adoption semble ne pas éveiller l’ombre d’un doute chez nos interlocuteurs. L’expérience récente de cette chambre aux majorités de circonstances nous conduit pourtant à plus de prudence.

Lancés sur des questions de fond, le Cabinet nous a indiqué avoir écrit à de nombreux ministères pour les inciter à accepter des TIG (il semble cependant qu’il s’agisse des seules administrations centrales), s’est félicité de la montée du taux d’occupation des centres de détention et de semi-liberté, a estimé que la LSC de droit finirait par s’installer dans le paysage carcéral une fois terminé « le travail d’acculturation » et le développement des programmes pour courtes peines en milieu ouvert, a placé beaucoup d’espoir dans les structures d’accompagnement à la sortie (rappelant qu’elles n’avaient pas une vocation locale, mais nationale comme de facto tout établissement pour peine) et leur plateforme d’insertion.

La cartographie des établissements

S’agissant de la cartographie des établissements, nous avons demandé de revoir si besoin puisqu’il en est encore temps la répartition des quartiers maison d’arrêt et centre de détention. La réponse est que cette donnée est bien prise en considération, pour preuve la conversion du CJD de Fleury-Mérogis en CD 400 places. Il est également ajouté que depuis l’arrivée de l’actuel DAP le taux d’occupation des CD a été élevé au maximum. Sur ce dernier point, il convient de rappeler qu’un taux minimal d’inoccupation, une marge de manœuvre doit être conservée, afin de pouvoir faire face à un sinistre majeur  dans une prison (destruction par mutinerie, catastrophe naturelle…).

Aléas politiques et mise en œuvre des décisions : le SNDP reste attentif !

Nous avons rencontré des interlocuteurs sachant de quoi ils parlent et dont les intentions nous apparaissent sincères. Les aléas de la vie politique et une désormais consistante expérience syndicale nous convainquent toutefois de suivre les dossiers et annonces de près, et de nous faire les porte-parole des directrices et directeurs pénitentiaires témoins des conséquences ou inconséquences de ces décisions dont ils ont la charge de la mise en œuvre.

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